Éduquez-vous !
Female Collective
Édito
What’s Good est née il y a quatre ans, avec l’envie d’avoir un endroit où on pouvait déverser ce qu’on voyait et ressentait. On a toujours pensé que la culture affecte beaucoup plus la société qu’on ne le pense. Qu’en abordant des problèmes sociétaux à partir de séries, de films, de livres, de musique, d’art, les gens comprennent plus facilement où on veut en venir. 4 ans donc, avec des hauts et des bas, des temps de pauses, mais toujours animées par l’idée que tout ce qui est culturel, est d’une certaine manière politique.
On a décidé de faire une newsletter plus courte que d’habitude, puisque l’heure n’est pas aux recommandations. L’heure n’est pas joyeuse. Les deux dernières semaines ont été particulièrement lourdes pour nous et notre entourage, non pas parce qu’on pensait que tout était réglé et qu’on vivait dans un monde utopique de paix et d’amour. Non. Parce qu’on pensait que les choses avaient un tant soit peu évoluées, que les gens s’étaient éduqué un minimum. Quand on a vu qu’on nous posait encore des quetsions du style, quel film regarder, à quelles associations donner de l’argent, quels livres lire… On se demande ce qui a foiré ? On se demande “Où étiez-vous pendant toutes ces années” où la culture, les réseaux sociaux, les gens, nous ont offert de quoi se documenter et apprendre tranquillement dans son coin ? De ne plus faire les mêmes erreurs, de comprendre que le racisme n’est pas le symbole d’une main noire et blanche, mais d’un système qui nous dépasse, qui nous contrôle et nous empêche de s’élever ? Où étiez-vous quand on vous disait que vous pouviez changer les choses à votre échelle, grâce à votre privilège ? Où étiez-vous.
Le plus difficile pour nous a sans doute été de réaliser que mêmes nos ami.e.s les plus proches semblaient décontenancés par ce qui se passait, comme si un voile se levait enfin devant leurs yeux. Comme si nous n’étions que leurs amies noires, mais qu’ils.elles ne nous voyaient pas vraiment. Beaucoup de personnes blanches ne réalisent pas la violence que provoquent aussi bien l’indifférence, que le soutien superficiel. Un carré noir ne suffit plus. Les messages téléphonés sans âme ne suffisent plus. Nos mâchoires se serrent devant la team “#AllLivesMatter/personne ne naît raciste/je ne me sens pas légitime pour parler”.
Tout le monde pense bien faire et veut bien faire mais l’heure n’est plus aux bonnes intentions. L’heure n’est plus aux hashtags entre 2 morceaux de pancakes et un selfie. Et sachez que l’heure n’est plus au retournement de vestes politiques, médiatiques, culturels de “je n’embauche pas de noirs mais je les adore”. Pour citer Aminatou Sow, amie de la newsletter : “Les blancs qui disent être bien intentionnés : les personnes noir.e.s dans vos vies vous voient. Nous voyons les manières via lesquelles vous échouez à prendre la parole. Nous voyons comment vous vous complaisez auprès de ceux qui nous font du mal. Nous voyons toutes les fois où vous êtes trop lâches pour faire ce qui est juste. On ne vous le dit pas mais on se le dit entre nous”.
Le plus plaisant pour nous avec ce nouvel embrasement provoqué par Black Lives Matter, c’est la manière dont les noirs d’abord, les personnes racisées ensuite, partout dans le monde, ne se contentent plus de simples gestes. On aime voir les gens s’enquérir auprès des marques, médias, influenceurs, politiques, individus pour leur dire : que faites-vous concrètement pour empêcher ces violences ? Ces violences sont systémiques, structurelles, institutionnelles. Elles communiquent et se répondent entre elles, elles sont puissantes. Si les preuves, les enquêtes journalistiques et judiciaires, basées sur des faits concrets se concordent toutes pour dire que la police tue, pourquoi continue t-elle de le faire ? A cause d’un racisme tentaculaire qui touche toutes les sphères et couches organisationnelles de notre société. Quand vous l’aurez compris, un grand pas aura été fait. Nous voulons plus, nous voulons mieux, nous voulons du concret. La question est : cette fois-ci, allez-vous faire semblant de ne rien voir ?
Le tour du web
À quoi servent les listes de livres “anti-racistes” ? (Vulture)
Comment la K-pop aide dans la lutte contre le racisme (The Cut)
Le pouvoir des mots. Qui décide s’il s’agit d’une manifestation ou bien d’une émeute ? (The Cut)
Oui, c’est problématique de comparer Black Lives Matter à la lutte pour le droit animal. (Medium)
Une interview (vidéo) avec les trois femmes noires fondatrices du mouvement Black Lives Matter (TED)
#SayHerName : Breonna Taylor aurait eu 27 ans le 5 juin 2020, mais elle a été tué par la police. “Elle n’avait pas besoin d’être une héroïne, mais de rester vivante.” (Rolling Stone)
Dans la restauration, les personnes noires, du journalisme à la cuisine, continuent à être les grandes oubliées.
Pour s’éduquer et s’élever sur les problématiques raciales, ce n’est pas la peine de solliciter les personnes concernées, pour ça, il y a Google. (I-D France)
L’autre pandémie dont on ne parle pas assez : le trauma des personnes noires. Quand est-ce que ça va s’arrêter ? Bonne question. (Refinery29)
Tanehisi Coates nous plonge dans une heure de récit (version audio disponible) pour comprendre les démons raciaux de l’Amérique (et pas que). Prenez votre ceinture et buvez de l’eau. (The Atlantic)
La country n’est plus aussi blanche et conservatrice qu’on ne le pense. Explications. (Slate France)
Retours sur les origines et les évolutions de l’intersectionnalité, un concept qui crée toujours autant de remous 30 ans plus tard, et qui n’a pourtant jamais été autant d’actualité. (Vox)
Interview croisée entre Assa Traoré et Angela Davis, deux femmes qui portent leur combat jusqu’au bout. (Revue Ballast)
En Italie, comme en France et au Royaume-Uni, les gens semble plus facilement touché par la négrophobie états-unienne que celle de leur propre pays. (Griot mag)
Qui sommes-nous ?
Mélody Thomas est journaliste sur le digital de Marie Claire où elle écrit sur la mode et la place que celle-ci occupe dans notre société. Elle collabore également à d’autres médias dont Please Magazine et Swipe Life, la plateforme de Tinder, sur des sujets lifestyle. Depuis 2019, elle anime également un cours de mode et actualités à l’IFM.
Jennifer Padjemi est journaliste indépendante pour diverses publications, et créatrice du podcast "Miroir Miroir" sur les représentations du corps et de l’apparence. Ses sujets de prédilection vacillent entre la culture, la société et le lifestyle, avec un angle sociologique et une passion pour toutes les tendances/phénomènes émergents en France ou à l'international.